Elle permet notamment d’organiser la détention de certains actifs ainsi que leurs modalités de gestion tout en préparant la transmission de ces derniers. Par ailleurs, les associés de la société peuvent, en fonction de leurs besoins et de leur situation patrimoniale, adapter le régime fiscal de cette structure. En effet, cette dernière relève sur le principe du régime fiscal des sociétés de personnes et, à ce titre, les associés sont personnellement imposables sur leur quote-part des résultats de la société civile. Cependant, ses membres peuvent opter pour l’impôt sur les sociétés (IS)(1). Dans ce cadre, le résultat est déterminé et fiscalisé selon le régime de droit commun de l’IS.

Il convient de ne pas oublier que son utilisation doit respecter certaines règles pour que son recours ne soit pas constitutif d’un abus de droit au risque que l’administration fiscale redresse l’opération mise en place.

Pour rappel, il appartient à l’administration fiscale d’établir, lorsqu’est mis en place le mécanisme de répression de l’abus de droit(2), que les actes ont un caractère fictif ou qui, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes ou de décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, n’ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales.

Veiller à ce que la société ait une existence réelle pour ne pas être considérée comme fictive

Il faudra bien entendu respecter les obligations déclaratives prévues lors de la création de la société ainsi que les conditions prévues dans les statuts notamment concernant la libération des apports. Par ailleurs, la constitution d’une société civile implique la tenue d’une comptabilité et le respect du formalisme inhérent à ce type de structure comme la tenue régulière des assemblées et des registres sociaux. Ces éléments permettront de justifier le fonctionnement de la société et pourront permettre à l’administration fiscale d’établir le caractère fictif ou non de la société.

Enfin, il convient de noter qu’il a pu être jugé que la détention de la seule nue-propriété d’un bien par une société civile immobilière pouvait permettre de justifier le caractère fictif de cette dernière en considérant qu'une SCI qui ne détient que la nue-propriété d'immeubles n'a pas les moyens de remplir son objet social, faute de réaliser des profits et de disposer de fonds propres suffisants(3)

Justifier l’utilisation de cette structure d’un point de vue économique et patrimonial

Le recours au statut de société civile ne doit pas être motivée uniquement par des considérations fiscales. En effet une opération, même non fictive, qui aurait pour seule finalité d’éluder ou d’atténuer la charge fiscale, pourrait être contestée par l’administration fiscale.

Avis du comité de l’abus de droit fiscal

Les principes précédemment évoqués ont été récemment rappelés par un avis du comité de l’abus de droit fiscal du 14 janvier 2021(4)

Au cas d’espèce, Madame V. était gérante d’une SCI A. et détenait la majorité des parts sociales en pleine-propriété. Le solde des titres était détenu par son frère en nue-propriété et par leur belle-mère en usufruit.

Madame V. a procédé au retrait d’un immeuble détenu par la SCI A. mis à disposition gratuite au profit d’une association qu’elle gérait et au retrait de terres exploitées par son frère. En contrepartie, les parts sociales qu’elle possédait dans la SCI A. ont été annulées. Le même jour, Madame V. a constitué une nouvelle SCI C. avec son frère. Leurs apports ont été libérés de la manière suivante :

  • La nue-propriété de l’immeuble et des terres récupérées par Madame V. lors du retrait de la SCI A., évaluée de manière économique, cette valorisation permettant d’obtenir une assiette de taxation plus faible qu’en appliquant le barème fiscal prévu à l’article 669 du code général des impôts (CGI) ;
  • Et la pleine propriété d’un verger détenu par son frère en pleine propriété pour un montant très modique.

Dans un second temps Madame V. a procédé à la donation de ses parts sociales en pleine propriété en faveur de son frère pour la très grande majorité des titres, le solde étant transmis à son neveu et à sa nièce. Elle a tout de même conservé une part en pleine propriété de cette SCI et en est restée co-gérante.

Dans le cadre d’un contrôle sur pièces de cette donation faisant suite au contrôle de la SCI, l’administration fiscale a mis en œuvre la procédure de l’abus de droit fiscal en considérant que cette société était fictive et que cette opération n‘avait été mise en œuvre que pour minorer le coût des droits de donation.

Le Comité a émis l’avis que l’administration était fondée à mettre en œuvre la procédure de l’abus de droit fiscal en considérant :

  • Que la SCI n’avait pas été en mesure de présenter tous les documents comptables ainsi que la preuve de réunions régulières de l’assemblée générale ; Elle n’avait aucune autonomie financière en soulignant qu’elle ne disposait pas de compte bancaire et que le bail à ferme du verger, prévu dans l’exposé liminaire des statuts n’avait donné lieu à aucun encaissement de loyer avant le contrôle de la SCI.
    Sur la base de ces éléments, le comité a estimé que cette société devait être considérée comme fictive.
  • Que sa constitution par apport de la nue-propriété de l’immeuble suivie de la donation de ses titres, avec une assiette imposable basée sur la méthode de valorisation économique des biens, a permis aux donataires d’éviter l’application du barème légal prévu à l’article 669 du code général des impôts et donc de minorer le coût de la transmission de ce patrimoine.

(1) Les sociétés peuvent renoncer à l’option pour l’impôt sur les sociétés jusqu’au 5e exercice suivant celui au titre duquel l’option a été exercée. En l’absence de renonciation, l’option devient irrévocable.

(2) Pour rappel, la loi de finances pour 2019 a créé une nouvelle procédure d’abus de droit à motif principalement fiscal. Désormais, l’administration peut donc fonder ses redressements alternativement sur l’existence d’un montage ayant un but exclusi­vement fiscal (art. L. 64 du LPF) ou un but principalement fiscal (nouvel art. L. 64 A du LPF). Sont concernées les rectifications notifiées à compter du 1er janvier 2021 portant sur des actes passés à compter du 1er janvier 2020.

(3) En ce sens Cass. com. 13 janvier 2009 n° 07-20.097 (n° 17 F-D).

(4) Séance n°2 du 14 janvier 2021 : avis rendus par le comité de l’abus de droit fiscal (CADF/AC n° 2/2021) - Affaire n° 2020-19 concernant Mme V