Cette règle du partage du prix n’est bien entendu pas d’ordre public et les parties à l’acte peuvent donc prévoir le maintien du démembrement, soit sur le prix de cession soit sur un autre bien acquis en remploi.

Conséquences fiscales

Dans chacune de ces trois situations, les conséquences fiscales seront différentes tant en ce qui concerne le calcul de la plus-value que la détermination du redevable de l’impôt (BOI-RPPM-PVBMI-20-10-20-60 § 40 et suivants).

  1. Situation 1 : Rien n’a été prévu pour déroger aux dispositions du Code civil
    L’usufruitier et nu-propriétaire paient chacun une quote-part d’impôt sur la plus-value correspondant à son droit seulement.
  2. Situation 2 : Maintien du démembrement sur un autre bien acquis en remploi
    Cet autre bien acquis en remploi peut être d’autres droits sociaux ou un immeuble par exemple.
    Dans cette hypothèse, le redevable légal de l’impôt est alors exclusivement le nu-propriétaire pour la totalité de la plus-value.
  3. Situation 3 : Report du démembrement sur le prix de cession
    Dans ce dernier cas de figure, le report du démembrement sur le prix de cession forme un quasi-usufruit (article 587 du Code civil). Le redevable légal de l’impôt de la plus-value est alors le seul usufruitier.

Précisions récentes du Conseil d’Etat

Nous savons depuis de nombreuses années (arrêt Leblanc Conseil d’Etat 30/12/2009 n°307165 ; Conseil d’Etat 28/01/2019 n°407305) que le maintien du démembrement après la vente du bien, doit en tout état de cause avoir été prévu dans un acte au plus tard le jour de la cession, correspondant au fait générateur de l’impôt de la plus-value.

L’arrêt du Conseil d’Etat du 2 avril dernier (n°429187) vient apporter des précisions sur la détermination du redevable de l’impôt de plus-value lorsque la rédaction des actes prévoit, au choix du seul usufruitier, le report du démembrement sur un bien acquis en remploi ou directement sur le prix de cession.

Au cas particulier, M et Mme A avaient consenti une donation-partage au profit de leurs deux enfants de la nue-propriété de titres de société. L’acte authentique de donation-partage interdisait aux nus propriétaires non seulement de céder ou de nantir les titres mais aussi de demander le partage du prix de vente des titres en cas de cession, sauf accord des usufruitiers. Il était aussi prévu un mandat exclusif au profit des usufruitiers pour gérer les fonds issus de la cession des titres en l’absence de remploi.

Le Conseil d’Etat, en conclut « que le droit d’usufruit était, en cas de cession, reporté sur le prix issu de celle-ci » et M et Mme A devaient en leur qualité d’usufruitiers, être regardés comme redevables de l’intégralité de l’imposition.

Enfin, il a été considéré comme inopérant la circonstance du remploi du prix réalisé postérieurement à la vente des titres.

Cet arrêt énonce très clairement que « lorsque l'usufruitier conserve la faculté de remployer ou non le produit de la cession des titres dont il a l'usufruit, le droit d'usufruit doit être regardé, pour l'imposition des plus-values résultant de la cession, comme reporté sur le produit de cette cession, rendant ainsi l'usufruitier intégralement redevable de l'imposition ».

A la lecture des précisions apportées, il conviendrait donc de vérifier les modalités inscrites dans les actes de donation avec réserve d’usufruit eu égard à la stratégie patrimoniale recherchée.

Achevé de rédiger le 19 mai 2021