Des précisions apportées en cas d’apport à une holding de reprise et en cas de holding ayant une activité mixte

Pour mémoire le dispositif Dutreil codifié à l’article 787 B CGI permet de transmettre (par donation ou par succession) les titres d’une société soumise à l’impôt sur les sociétés en bénéficiant :

  • d’un abattement de 75% appliqué sur la valeur des titres transmis pour le calcul des droits de mutation à titre gratuit
  • et d’une réduction de droits de 50% pour les donations consenties en pleine propriété avant le 70ième anniversaire du donateur.

Les sociétés éligibles à ce dispositif sont celles exerçant une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole (1) à l’exclusion de celles dont l’activité consiste à gérer un patrimoine mobilier ou immobilier.

Il existe de nombreuses conditions d’application à ce régime dont notamment :

  • le respect d’un engagement collectif de conservation minimum de 2 ans portant sur au moins 17% des droits financiers et 34% des droits de vote (sociétés non cotées),
  • une transmission des titres intervenant au cours de cet engagement collectif,
  • un engagement individuel de conservation de 4 ans par chaque héritier ou donataire à compter de la fin de l’engagement collectif
  • et enfin l’exercice de fonctions de direction durant ces engagements.

Le non-respect des conditions d’application entraîne la déchéance du dispositif, soit avant la transmission : impossibilité de se prévaloir du régime au moment de la transmission et après la transmission : acquittement par les héritiers ou donataires du complément de droits de mutation à titre gratuit majoré de l’intérêt de retard.

Possibilité pour chacun des donataires d’apporter les titres reçus à des holdings de reprise propres

Réponse Ministérielle Patriat JO Sénat 3 septembre 2020 n°6410

Conformément à l’article 787 B f du CGI ,récemment modifié au titre de la loi de finances pour 2019, un donataire a la possibilité d’apporter les titres de société qu’il a reçu à une holding de reprise pendant la durée des engagements de conservation collectif ou individuel, sans que soit remis en cause l’exonération partielle de droit de mutation à titre gratuit dont il a pu bénéficier. Consécutivement à un partage, cet apport permet à un enfant repreneur de la direction de la société d’apporter également la soulte qu’il doit à un autre enfant donataire mais non repreneur. Le financement de cette soulte pourra ainsi être pris en charge par la holding.

Il vient d’être précisé dans la réponse ministérielle Patriat du 3 septembre 2020 que dans le cadre d’une donation-partage, deux enfants donataires de titres ayant bénéficié du dispositif Dutreil et redevables d’une soulte envers un troisième enfant donataire, ont la possibilité d’apporter leurs titres ainsi que la soulte attachée à ceux-ci à deux holding différentes. Ces opérations ne remettent pas en cause le bénéfice de l’abattement de 75% dès lors que chacun des apporteurs et chacune des holdings pris isolement respectent les conditions de l’article 787 B f du CGI.

Dans sa réponse, le Ministre en profite également pour rappeler les conditions d’application de ce texte. Tout d’abord, la holding peut avoir un objet « non exclusif » à condition que la valeur réelle de son actif brut à l’issue de l’apport et jusqu'au terme des engagements de conservation, soit composée à plus de 50% de participations directes ou indirectes (apport de titres de sociétés interposées possible) dans la société opérationnelle transmise et ayant bénéficié de l’exonération partielle. Il est également indiqué que « l’apport n’emporte pas rupture de l’engagement de conservation sous réserve […] que les bénéficiaires de l’exonération en détiennent au moins 75% du capital et des droits de vote et que l’un d’entre eux en assura la direction. En outre la société bénéficiaire de l’apport et les apporteurs doivent conserver respectivement les titres apportés et les titres reçus en échange de l’apport jusqu’au terme des engagements de conservation […] ».

Toutefois, les commentaires de l’administration fiscale sont attendus sur l’article 787B f CGI, s’agissant notamment de la composition de l’actif de la holding et de la confirmation de la possibilité ou non pour le donateur de faire partie des 75% du capital.

Eligibilité des titres de holdings mixtes au dispositif Dutreil

Arrêt Cour de Cassation, Ch. Com du 14 octobre 2020, n°632 (18-17.955)

Les sociétés ayant une activité purement civile sont exclues du champ d’application du dispositif Dutreil. C’est notamment le cas des sociétés holding qui ont par nature une activité civile de détention de participations. Mais quid lorsque cette société holding est une holding animatrice dont l’activité est éligible au dispositif Dutreil ?

La loi ne définit pas la notion de holding animatrice et l’administration, dans ses commentaires de manière imprécise, les caractérise comme celles qui « outre la gestion d'un portefeuille de participations, participent activement à la conduite de la politique du groupe et au contrôle des filiales et rendent, le cas échéant et à titre purement interne, des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers » (voir notamment BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 §50).

La Cour de cassation vient de rendre un arrêt le 14 octobre 2020 sur pourvoi de l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 5 mars 2018. En l’espèce, il s’agissait justement du cas d’une holding animatrice qui avait selon l’administration une activité à prépondérance civile non éligible au dispositif Dutreil. En se référant à la doctrine administrative, la cour d’appel a rejeté les arguments de l’administration au motif que le critère du chiffre d’affaire était inopérant et que celui de l’actif brut devait donner lieu à une approche concrète selon l’ensemble des activités du groupe.

Il convient de rappeler à ce stade qu’entre l’arrêt de la Cour de cassation et celui de la Cour d’appel, le Conseil d’Etat(2) a annulé pour excès de pouvoir la doctrine administrative qui disposait que la société exerçant une activité civile était exclue sauf si accessoire.  Elle définissait également le caractère prépondérant de l’activité opérationnelle au regard de deux critères cumulatifs relatifs au chiffre d’affaire procuré par cette activité  et au montant de l’actif brut immobilisé lié à cette dernière. Le Conseil d’Etat a décidé que sont susceptibles de bénéficier de l’exonération partielle « les parts ou actions d’une société qui, ayant également une activité civile autre qu’agricole ou libérale, exerce principalement une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, cette prépondérance s’appréciant en considération d’un faisceau d’indices déterminés d’après la nature de l’activité et les conditions de son exercice ». En effet, les critères administratifs étaient critiqués par la doctrine qui les jugeait imprécis (notamment sur la valeur à prendre en compte, vénale ou comptable) ou inadaptés (cas des holdings animatrices notamment). Cependant elle concède également que cet arrêt a induit une nouvelle difficulté pour le contribuable tenu d’apprécier avant la donation sans plus de précision si l’activité éligible est prépondérante grâce à un faisceau d’indices.

La Cour de cassation reprend l’analyse du Conseil d’Etat. Mais elle ajoute  également que les titres d’une société holding mixte sont éligibles pour autant que « l’activité d’animation soit principale » et que le caractère principal de l’activité d’animation de groupe soit retenu « notamment lorsque la valeur vénale au jour du fait générateur de l’imposition des titres de ces filiales représente plus de la moitié de son actif total. » Même si elle ne répond pas à l’ensemble des questions soulevées s’agissant des holdings animatrices, elle apporte néanmoins des précisions utiles à l’appréhension de ces sociétés dans le cadre du dispositif Dutreil.

Achevé de rédiger le 6 novembre 2020.

(1) En outre éligibilité au dispositif Dutreil des sociétés assimilées (i.e. holdings animatrices de groupes) et des sociétés passives interposées détenant directement (un niveau d’interposition) ou indirectement (deux niveaux d’interposition) une participation dans une société exerçant une activité éligible.

(2) Décision du 23 janvier 2020 n°435562