Explications d'Anne-Claire Lemoine, Responsable du développement juridique et fiscal et Cécile Roure, Juriste fiscaliste patrimonial.

La mise en place de cet impôt recentré sur l’immobilier oblige les contribuables à effectuer un nouveau bilan patrimonial global de leurs actifs taxables. Après avoir décalé la date limite de dépôt des déclarations IFI, l’administration fiscale a publié le 8 juin dernier ses commentaires sur la loi. Cette publication permet d’entamer avec son conseil habituel (avocat, notaire…) une réflexion plus sereine sur la maîtrise ou la réduction de l’impôt futur.
Précisons d’abord que le principe du plafonnement de l’ISF est reconduit. Il réduit l’IFI si le total formé par les impositions (IFI, impôt sur le revenu, prélèvements sociaux, prélèvements libératoires…) dépasse 75 % des revenus de l’année précédente. Est également maintenu le dispositif anti-abus visant les revenus distribués et capitalisés au sein de sociétés soumises à l’IS contrôlées par le contribuable. Les revenus de ces sociétés doivent être pris en compte dans le calcul du plafonnement si leur mise en place a pour but principal d’éluder l’IFI.

Maîtriser l’impôt par l’acquisition à crédit

L’acquisition de biens immobiliers, en direct ou par l’intermédiaire de sociétés ou d’organismes, grâce au crédit permet de limiter l’impôt par la déduction dudit emprunt au passif de l’IFI (sous conditions). Attention toutefois aux nouvelles limitations légales : la déductibilité des charges d’acquisition a été modifiée et plus strictement encadrée (notamment le prêt in fine « à retraiter » comme un prêt amortissable). Il faut noter que les dettes relatives à la résidence principale sont admises au passif pour leur montant total sans pouvoir excéder la valeur imposable de celle-ci, soit 70 % de sa valeur vénale(1).

“Attention aux nouvelles limitations légales : la déductibilité des charges d’acquisition, notamment le prêt in fine, a été modifiée et plus strictement encadrée.”

Par la technique du démembrement de propriété

En cas de démembrement, le principe reste l’imposition de l’usufruitier pour la valeur en pleine propriété. L’acquisition de la seule nue-propriété d’un bien immobilier peut permettre de se constituer un patrimoine sans que celui-ci soit repris à l’actif taxable (sous conditions).
La loi relative à l’IFI a ajouté un nouveau cas d’imposition partagée entre l’usufruitier et le nu-propriétaire(2), notamment lorsque le démembrement résulte de l’option du conjoint survivant au titre de ces droits légaux (article 757 du Code civil, depuis le 1er juillet 2002). Toutefois, lorsque l’usufruit résulte d’une disposition prise par le défunt en faveur du conjoint (donation au dernier vivant ou testament), ce dernier restera imposé sur la pleine propriété du bien. L’opportunité d’engager de telles dispositions ainsi que l’option « ouverte » au moment du décès devront faire l’objet d’une discussion avec le notaire.

Par une réorientation du patrimoine

La maîtrise de l’impôt peut s’effectuer par l’arbitrage d’actifs immobiliers en faveur d’autres supports non éligibles à l’IFI sous réserve, bien entendu, de la rentabilité économique des supports et de l’impact fiscal des opérations.
Le redevable peut enfin orienter ses futurs investissements au profit de biens exonérés partiellement (bois, forêts, parts de groupements forestiers, parts de GFA…) ou totalement d’IFI (biens professionnels).

Réduire par les dons

Les contribuables peuvent bénéficier d’une réduction IFI au titre des dons à certains organismes (article 978 du CGI). Ils peuvent imputer 75 % de leurs versements sur le montant de l’impôt avec un avantage fiscal plafonné à 50 000 euros par an.

Anticiper la transmission de son patrimoine immobilier

Donation en pleine propriété

Lorsque le redevable souhaite anticiper la transmission de son patrimoine, il peut réduire son IFI en procédant à la donation en pleine propriété d’un bien immobilier à ses enfants majeurs (les biens des mineurs étant imposés avec ceux de leurs parents, administrateurs légaux). Fiscalement, l’opération est soumise à des droits de donation avec possibilité d’un abattement en ligne directe de 100 000 euros par enfant (abattement sous conditions et renouvelable tous les 15 ans). Le bien sort ainsi définitivement du patrimoine du donateur au profit de l’enfant devenant redevable tant de l’IFI (sous réserve qu’il soit effectivement éligible à l’impôt) que de l’IR en cas de revenus locatifs.

Donation temporaire d'usufruit

Les contribuables venant en aide financièrement à leurs enfants majeurs peuvent réfléchir à l’opportunité de remplacer le versement d’une pension mensuelle par la donation temporaire d’usufruit d’un bien locatif. Elle permet la sortie temporaire du bien du patrimoine taxable à l’IFI du donateur (l’enfant usufruitier n’est généralement pas redevable de l’impôt – sous réserve du seuil d’imposition de 1,3 million d’euros). Le parent bénéficie également d’une économie d’IR puisque les revenus locatifs sont imposés au niveau du donataire, sous réserve qu’il soit détaché du foyer fiscal. 
L’administration fiscale surveille ce type d’opération présentant plusieurs avantages fiscaux. Elle peut, lorsque la transmission est fictive ou qu’elle n’a pour but que d’éluder l’impôt, remettre en cause la validité de l’opération sur la base de l’abus de droit, conformément à l’article L 64 du livre des procédures fiscales. Il convient ainsi de respecter les recommandations de la doctrine fiscale3, notamment sur la durée de la donation, sa forme notariée, la préservation des droits de l’usufruitier. Sur ce dernier point, il apparaît évident qu’il ne doit pas y avoir réappropriation des revenus par le donateur au risque de remettre en cause l’intention libérale.

L’investissement, l’arbitrage et les actions menées sur le patrimoine doivent toujours s’effectuer dans le cadre d’une approche patrimoniale globale et non dans un seul intérêt fiscal. Votre conseiller ainsi que les juristes fiscalistes et analystes patrimoniaux LCL Banque Privée sont à votre disposition pour évoquer ces pistes de réflexion.

(1) BOI-PAT-IFI-20-40-10-20180608 n° 160
(2) Selon le barème de l’article 669 du Code général des impôts
(3) BOI-PAT-IFI-20-20-30-10-20180608 n° 280 et suivants