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Du bon usage du don manuel…

1 min 30 s

Réussite aux examens, financement d’études à prévoir, ou démarrage dans la vie active, la période d’été est propice aux occasions de vouloir aider ses proches ! Néanmoins, comment s’assurer que ces coups de pouce familiaux ne se transforment pas en « cadeau empoisonné », avec des conséquences civiles ou fiscales mal anticipées ?

Le don manuel peut être un moyen simple et courant pour aider les siens sans recourir au formalisme d’une donation. En 2020, ce sont ainsi près de 280 000 déclarations de dons manuels qui ont été enregistrées par l’administration fiscale.

Ce type de dons échappent à la nécessité d’un acte notarié, édictée par l’article 931 du Code civil :

« Tous actes portant donation entre vifs seront passés devant notaire dans la forme ordinaire des contrats et il en restera minute sous peine de nullité ».

Cependant, s’ils ne sont pas soumis aux règles de forme des donations, ils obéissent aux mêmes règles de fond, d’où la nécessité de bien mesurer les conséquences de cette démarche.

ASPECTS CIVILS DU DON MANUEL

Si un écrit n’est pas nécessaire, le don manuel doit bien être dictée par l’intention libérale du donateur et opérer une « tradition réelle et effective », c’est-à-dire une remise matérielle du bien. Cette tradition doit entrainer la dépossession définitive et irrévocable du donateur, avec acceptation du don par le donataire.

Initialement, le don manuel visait les biens susceptibles d’être remis de la main à la main. Néanmoins cette exigence initiale s'est assouplie et la jurisprudence a admis depuis longtemps la validité des dons manuels de biens « dématérialisés » (ex. : virements, transferts de titres ou de cryptomonnaie ...), dès lors que les autres conditions de validité sont satisfaites.

A noter, si le transfert d’actions peut être valablement opéré grâce à un don manuel, celui-ci est exclu pour transmettre des parts sociales notamment de société civile ou de SARL.

Comment qualifier l’aide reçue : la somme versée au profit d’un héritier constitue-t-elle un prêt ou un don manuel ?

L’enjeu est important, car de cette qualification dépend le montant à rapporter à la succession. S’il s’agit d’un prêt, l’hériter devra rapporter à la succession le montant nominal prêté, alors qu’en cas de don, ce sera la valeur du bien donné, réévaluée au jour du décès(1) .

En effet, à l’instar des donations classiques, les dons manuels faits à des héritiers sont présumés rapportables à la succession (sauf stipulation contraire dans un pacte adjoint par exemple) pour leur valeur au jour du décès et constituent une avance sur leur part successorale(2). Ils peuvent également être réductibles s’ils portent atteinte à la réserve héréditaire(3).

En outre, l’assiette de calcul des droits est assise sur la valeur du bien au jour où l’administration fiscale en a connaissance (fait générateur de la taxation : déclaration, reconnaissance judiciaire ou révélation) ou au jour de la réalisation du don si cette valeur est supérieure(4).

Cette règle peut être très défavorable au donataire si la valeur du bien a beaucoup augmenté. Le recours à une donation notariée, en particulier une donation-partage permet d’éviter cet inconvénient. Devant ces conséquences civiles qui peuvent être lourdes, le bénéficiaire pourrait être tenté de dissimuler le don qu’il a reçu, mais cette solution est à proscrire, car les autres héritiers pourraient invoquer le recel successoral, lourdement sanctionné(5).

ASPECTS FISCAUX DES DONS MANUELS

Les abattements, le barème de taxation et le délai de rappel fiscal sont identiques pour les dons manuels et les donations classiques et dépendent du lien de parenté entre celui qui donne et le bénéficiaire de la donation.

Par exemple, chaque parent peut ainsi donner jusqu’à 100 000 euros par enfant tous les 15 ans, en exonération de droit. Ces abattements pourront éventuellement se cumuler avec l'abattement spécifique des dons familiaux de sommes d'argent, dans la limite de 31 865 € (sous conditions restrictives) prévu par l’article 790 G du CGI.

La particularité des dons manuels est qu’ils ne deviennent imposables qu’une fois que l’administration fiscale en a connaissance. En pratique, ils seront par exemple susceptibles d'être taxés lors d’une révélation aux impôts (spontanée ou subie par le bénéficiaire), ou lors de la succession du donateur (dans le cadre du rappel fiscal des donations antérieures dans le délai de 15 ans).

Faut-il déclarer un don manuel ?

Même s’il ne donne pas lieu au paiement de droits (bénéfice des abattement), le don manuel doit toujours être déclaré à l’administration fiscale par le bénéficiaire, dans le mois qui suit l’opération.

Les modalités déclaratives dépendent de différents critères, notamment la valeur du don (inférieure ou supérieure à 15 000 €) et la manière dont l’administration fiscale en a eu connaissance (révélation spontanée ou subie).

La date d'enregistrement de la déclaration par l'administration permet de faire courir le délai de rappel de l'abattement fiscal sur les donations. Le bénéficiaire du don devra compléter le formulaire Cerfa n°2735-SD, en ligne dans les cas les plus courants, via l’espace particulier sur impôts.gouv.fr, avec paiements des droits s’ils sont dus lors du dépôt (Dons manuels : un nouveau service de déclaration en ligne | economie.gouv.fr).

Par dérogation, pour les dons supérieurs à 15 000 €, il est prévu que la déclaration par le donataire et le paiement des droits peuvent, sur option, être différés dans le mois qui suit le décès du donateur (formulaire Cerfa n°2734-SD). Toutefois, le bénéfice de cette option est réservé aux dons manuels faisant l’objet d’une « révélation spontanée » de la part du bénéficiaire(6).

Or, cette notion de révélation a suscité une jurisprudence abondante et changeante au fil des années. Un récent arrêt de la Cour de cassation vient de rappeler sans ambiguïté que la notion de révélation spontanée est exclue dès lors que celle-ci intervient dans un contexte de procédure de vérification ou de contrôle fiscal, même si elle résulte d’une action volontaire du donataire. (Cass.com., 25 janvier 2023, n° 20-16.700)

En l’espèce, un contribuable avait été informé par l’administration fiscale de l’ouverture d’un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle à son encontre (ESFP). Lors du premier entretien avec le vérificateur, le contribuable avait alors spontanément indiqué avoir reçu des dons manuels. Il avait ensuite déposé deux formulaires de révélation de dons manuels et demandé à bénéficier de l’option de déclaration et acquittement des droits différés au décès du donateur, ouverte par l’article 635 A du CGI.

Soutenant que la révélation n’était pas spontanée, l’administration fiscale lui a notifié une proposition de rectification portant rappel des droits de mutation. La réclamation du contribuable ayant été rejetée, celui-ci a assigné l’administration pour obtenir la décharge des droits réclamés.

Le tribunal de première instance a rejeté sa demande, mais la Cour d’appel de Versailles (CA Versailles, 28 janvier 2020) a infirmé le jugement et prononcé la décharge des droits, pénalités et intérêts. L’administration fiscale s’est donc pourvue en Cassation et la haute Cour lui a donné raison, en considérant que même si le contribuable avait révélé ces dons avant le début de l’ESFP, la révélation était néanmoins liée au contexte de contrôle fiscal et ne pouvait à ce titre être considérée comme « spontanée » au sens de l’article 635 A du CGI.

En conclusion, la meilleure solution reste la révélation volontaire et spontanée du don par le bénéficiaire dans le mois suivant sa réalisation. Cette démarche sécurise l’opération notamment en évitant de s’exposer à des pénalités et intérêts de retard, en figeant la valorisation du don au jour de sa réalisation et non au jour de sa révélation différée et en faisant courir le délai de rappel fiscal des donations.

L’opportunité du recours à un don manuel et plus largement la préparation de la transmission de votre patrimoine justifient l’accompagnement de votre notaire. LCL Banque Privée vous recommande de vous rapprocher de votre conseil habituel et reste à votre disposition pour aborder cette réflexion. 

Don manuel ou présent d’usage ?

Les dons manuels ne doivent pas être confondus avec les présents d’usage.

Le présent d’usage n’est pas défini par le Code civil et ses contours ont été essentiellement précisés par la jurisprudence. Ce sont les cadeaux faits à l’occasion de certains évènements (anniversaire, obtention d’un diplôme...) et dont le montant est « raisonnable » par rapport aux revenus et au patrimoine de celui qui donne. Ce dernier critère s’apprécie selon la situation du disposant au moment où le présent est réalisé.

Un récent arrêt de la Cour de cassation vient de rappeler que même si la proportionnalité du don par rapport à la situation de fortune du donateur est respectée, encore faut-il pour caractériser un présent d’usage, que l’occasion justifiant ce cadeau soit précisée (Cass. 1ère civ., 11 mai 2023, n° 21-18.616).

Sur le plan civil, le présent d’usage ne sera notamment pas soumis aux règles du rapport et de la réduction et ne sera pas pris en compte pour le calcul de la réserve héréditaire. Sur le plan fiscal, il échappe à l’obligation de déclaration et aux droits de donation (BOI-ENR-DMTG-20-10-20-10 N°250).

Achevé de rédiger le 22 juin 2023 parvcConstance de Montalivet, juriste fiscaliste patrimonial LCL Banque Privée région Nord-Ouest

(1) Cass. Civ 1, 4 juin 2007
(2) Articles 843 à 863 du Code civil
(3) Articles 918 à 930-5 du Code civil
(4) Article 757 du CGI
(5) Article 778 du Code civil
(6) BOI-ENR-DMTG-20-10-20-10 n°80