Les plus-values réalisées par les particuliers à l’occasion de la cession de valeurs mobilières ou de droits sociaux sont soumises à une taxation de 30 % qui se décompose en un prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 12,8 % et des prélèvements sociaux (PS) au taux de 17,2 %. Ce PFU peut être remplacé par l’application du barème progressif de l’impôt sur le revenu (IR) si celui-ci est plus favorable, ce qui emportera plusieurs conséquences (application d’abattement pour durée de détention pour les titres acquis avant le 1er janvier 2018, CSG pour partie déductible…). Cette option sera, par ailleurs, globale à tous les revenus entrant dans le champ du PFU : intérêts, dividendes, certains produits de contrat d’assurance vie ou de capitalisation. Si la fiscalité en la matière a été allégée récemment, il existe néanmoins des opportunités d’optimisation pour celui qui souhaite réinvestir, par le biais d’une société soumise à l’impôt sur les sociétés (IS) et à court terme, tout ou partie du produit d’une telle cession dans une nouvelle activité économique.

Apport de titres à une société Is...

La technique de l’apport-cession consiste, pour un contribuable qui prévoit de céder des titres, à les apporter préalablement à une société IS, laquelle procédera par la suite à leur vente. En échange, il reçoit des titres de la société bénéficiaire de l’apport (1). L’apport “génère” des plus-values comme le ferait une cession. Mais ces dernières bénéficient, sous conditions, d’un différé d’imposition grâce auquel elles sont “neutralisées”. Leur imposition n’interviendra qu’à l’occasion d’un événement postérieur tel que la cession ultérieure des titres reçus en échange (2). Ce mécanisme permet donc de ne pas voir son apport diminué par la fiscalité due lors de la cession desdits titres en direct par le contribuable (3).

... Contrôlée par l'apporteur (4)

L’apport de titres à une société contrôlée par l’apporteur5 relève aujourd’hui d’un régime de report automatique d’imposition6. Lorsqu’il trouve à s’appliquer, l’apport entraîne la réalisation et la déclaration de la plus-value latente relative aux titres apportés mais l’imposition est reportée jusqu’à ce que certaines opérations provoquent son exigibilité7.
La société bénéficiaire de l’apport, impérativement soumise à l’IS8, doit être contrôlée par l’apporteur.
La notion de contrôle est appréciée à la date de l’apport, en tenant compte des droits détenus par le contribuable à l’issue de celui-ci.
Ce dernier est considéré comme contrôlant la société :

  • lorsqu’il en détient la majorité des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de la société, directement ou indirectement, seul ou avec son groupe familial (conjoint, ascendants, descendants, frères et sœurs) ;
  • lorsqu’il dispose seul de la majorité de ces mêmes droits en vertu d’un accord conclu avec d’autres associés ou actionnaires ;
  • lorsqu’il y exerce en fait le pouvoir de décision.

À cela s’ajoutent des présomptions de contrôle comme, par exemple, lorsqu’il détient, directement ou indirectement, une fraction des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux égale ou supérieure à 33,33 % et qu’aucun autre associé ou actionnaire ne détient, directement ou indirectement, une fraction supérieure à la sienne.

Et réinvestissements éligibles après cession des titres apportés

Mais attention. Ces opérations réalisées en vue de procéder à de nouveaux investissements à court terme nécessitent de réinvestir dans des actifs éligibles. Lorsqu’une cession à titre onéreux, un rachat, un remboursement ou une annulation des titres apportés survient dans les trois ans de l’apport, la plus-value en report d’imposition devient alors imposable.

"Attention, ces opérations réalisées en vue de procéder à de nouveaux investissements à court terme nécessitent de réinvestir dans des actifs éligibles."

Toutefois, par exception, il n’est pas mis fin au report d’imposition si la société bénéficiaire de l’apport investit au moins 60 %9du produit de cession dans un délai de deux ans à compter de la date de cette dernière :

  • soit dans le financement d’une activité opérationnelle, commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière, à l’exclusion des activités de gestion de son propre patrimoine mobilier ou immobilier ;
  • soit dans l’acquisition d’une fraction du capital d’une ou plusieurs sociétés exerçant une telle activité, lorsque cette acquisition a pour effet de lui conférer le contrôle de chacune de ces sociétés ;
  • soit dans la souscription en numéraire au capital initial ou à l’augmentation de capital de sociétés exerçant une activité opérationnelle ou qui ont pour objet social exclusif de détenir des participations dans des sociétés opérationnelles.

La loi de finances pour 2019 a étendu, sous conditions, les supports de réinvestissements éligibles notamment à des fonds communs de placement à risques (FCPR), des fonds professionnels de capital-investissement (FPCI) ainsi qu’à certaines sociétés de capital-risque et des sociétés de libre partenariat10. Il convient de noter que tout réinvestissement nécessite le respect d’une durée de conservation qui dépend de la nature de ce dernier. Par ailleurs, pour information, si la cession des titres apportés intervient plus de trois ans après l’apport, le report sera maintenu sans obligation de réinvestissement11.

Ce dispositif complexe requiert l’accompagnement d’un avocat fiscaliste spécialisé afin de revoir avec lui l’ensemble des conditions à remplir de manière exhaustive. LCL Banque Privée vous recommande de vous rapprocher de votre conseil habituel sur ce sujet et reste à votre disposition pour évoquer cette piste de réflexion.

Anne-Claire Lemoine
Responsable du département expertise juridique et fiscale LCL Banque Privée
Achevé de rédiger le 20 mars 2019

(1) Art. 150-0 B du Code général des impôts (CGI) et suivants.
(2) Voire dans des cas très restreints de l’effacer.
(3) Sous réserve d’une éventuelle fiscalité à l’impôt sur les sociétés suivant les circonstances de l’opération.
(4) Art. 150-0 B ter du CGI. En l’absence de contrôle ou dans des cas particuliers, l’opération peut, sous certaines conditions, bénéficier du régime du sursis d’imposition.
(5) Réalisé en France, ou dans un État membre de l’UE ou ayant conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales.
(6) De nombreuses conditions sont à remplir quant aux titres et valeurs mobilières apportés, quant à ceux reçus en échange.
(7) Lorsque l’apporteur ne contrôle pas la société bénéficiaire de l’apport, l’opération relève de plein droit du sursis d’imposition régi par l’article 150-0 B du CGI, opération intercalaire qui ne fait l’objet d’aucune déclaration.
(8) Ou à un impôt équivalent.
(9) Ce seuil de réinvestissement vient d’être porté à 60 %, contre 50 % auparavant, par une disposition de la loi de finances 2019. Il s’applique aux cessions de titres apportés réalisées par la société bénéficiaire de l’apport à compter du 1er janvier 2019. Les cessions réalisées avant cette date restent soumises au seuil de 50 %.
(10) Cet élargissement des supports s’applique aux cessions de titres apportés réalisées par la société bénéficiaire de l’apport à compter du 1er janvier 2019. Les cessions réalisées avant cette date restent soumises aux conditions précédentes.
(11) Sous réserve de l’absence d’autres événements entraînant l’exigibilité de l’impôt sur les plus-values.