Pour rappel, le pacte Dutreil est un outil fiscal destiné à favoriser la transmission d’une entreprise familiale en réduisant de 75 % la valeur imposable, sans limitation de montant, d’une société ou d’une ’entreprise individuelle pour calculer les droits de donation ou de succession.

Le dispositif contribue, ainsi, à la pérennité du tissu économique français en permettant de préserver la stabilité du capital social autour du dirigeant :  les héritiers ne sont plus obligés de vendre l’entreprise pour régler les droits de succession. En contrepartie de l’avantage fiscal procuré, de nombreuses conditions doivent être respectées(2), dont des engagements de conservation d’une durée de 4 à 6 ans.

1ère précision : La location meublée n’est pas une activité commerciale éligible

La société dont les titres sont transmis doit exercer une activité opérationnelle c’est-à-dire une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale. Une société patrimoniale ne peut donc pas bénéficier du dispositif.

Depuis le 21/12/2021(3), l’administration a réduit expressément le champ d’application du pacte Dutreil, sans que la loi ne le prévoit, en excluant notamment « les activités de location de locaux meublés à usage d’habitation » et celles de « loueurs d’établissements commerciaux ou industriels munis du mobilier ou du matériel nécessaire à leur exploitation ».

Mais la jurisprudence s’est positionnée différemment :  courant 2023, la Cour de Cassation(4) a précisé que la location d’établissement commerciaux ou industriels munis du mobilier et du matériel nécessaire à leur exploitation constituait une activité commerciale, « susceptible de rendre la transmission des parts de cette société éligible au régime de faveur ». Et trois mois après, le Conseil d’Etat(5) a également reconnu que ce type d’activité ne pouvait être exclu par principe, du champ d’application du régime de faveur, en l’absence de précision dans la loi.

C’était sans compter l’intervention du gouvernement : la loi de finances a finalement légalisé la doctrine administrative et définit désormais les activités commerciales éligibles au régime de faveur par référence aux articles 34 et 35 du code général des impôts (CGI), à l’exception de toute activité de « gestion de son propre patrimoine mobilier ou immobilier ».

2ème précision : Les entreprises réalisant une activité mixte (opérationnelle et civile) peuvent bénéficier du régime de faveur si l’activité éligible est principale

La doctrine fiscale admet qu’une société exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale puisse exercer également une activité de nature civile ou patrimoniale. Pour bénéficier du pacte Dutreil, il est impératif que l’activité éligible, opérationnelle ou d’animation, soit prépondérante.

Allant dans ce sens, la loi de finances a précisé que l’activité éligible doit être principale. Les auteurs semblent considérer que les termes de « prépondérante » et « principale » seraient synonymes.

3ème précision : La loi définit la holding animatrice et la rend éligible de plein droit au dispositif

L’administration fiscale et la jurisprudence ont toujours exclu les sociétés holdings passives du bénéfice du pacte Dutreil. Elles ont confirmé, en revanche, l’application du régime de faveur aux sociétés holding animatrice de leur groupe, considérées comme exerçant une activité opérationnelle.

La loi de finances rend désormais éligible de plein droit la holding animatrice et ajoute une définition attendue depuis longtemps par les praticiens :  « Est néanmoins considérée comme exerçant une activité commerciale la société qui, outre la gestion d’un portefeuille de participations, a pour activité principale la participation active à la conduite de la politique de son groupe constitué de sociétés contrôlées directement ou indirectement, exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, et auxquelles elle rend, le cas échéant et à titre purement interne, des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers ».

Il est ainsi reconnu la possibilité pour la société holding animatrice d’exercer par ailleurs une activité patrimoniale de gestion de participations, si l’activité d’animation reste principale (comme pour les sociétés opérationnelles réalisant une activité mixte).

L’ensemble de ces modifications apportées par la loi de finances sont applicables aux transmissions intervenues depuis le 17/10/2023. A noter, que l’exposé préalable à l’amendement prévoyant ces ajouts, laisse entrevoir que d’autres mesures pourraient compléter ces clarifications et restreindre le dispositif à la transmission d’actifs professionnels (en présence de sociétés réalisant une activité mixte).

Les juristes fiscalistes de LCL Banque Privée se tiennent à votre disposition pour vous présenter plus en détail ce régime de faveur.

Achevé le 21/02/2024 par Géraldine NORENA, juriste-fiscaliste patrimonial LCL Banque Privée Grand Paris Nord & Ouest

(1) Codifié aux articles 787 B et 787 C du Code Général des Impôts – CGI.

(2) Lorsque l’entreprise est exploitée sous la forme sociétaire, elles sont relatives à l’activité de la société, à l’associé qui transmet les titres et qui exerce une fonction de direction (ou son activité principale) et enfin aux bénéficiaires de la transmission.

(3) Commentaires de l’administration BOFIP (BOI ENR DMTG 10-20-40-10 n°15 et suivants)

(4) Arrêt de la Cour de cassation, Chambre commerciale du 1er juin 2023 n°22-15.152. Un arrêt de la Cour de cassation (C. Cass, Ch. Com, 21/06/2023 n°21-18.226), rendu dans le cadre des dispositions prévues à l’art. 787 C du CGI, a jugé que confier la gestion de son activité individuelle de loueur en meublé à un tiers ne fait pas obstacle au bénéfice de l’exonération partielle.

(5) Arrêt du Conseil d’Etat, 8ème 3ème chambres réunies, du 29/09/2023 n°473972