Trains, métros, bus, tramway, taxis, VTC, vélos, scooters en libre-service, mais aussi covoiturage, autopartage, trottinettes électriques… Jamais, les individus n’ont eu une telle quantité de modes de transports à leur disposition. Pour autant, est-il véritablement plus facile de se rendre à la destination choisie ? Pas forcément. En effet, dans la pratique, chaque moyen de transport nécessite de recourir à une application, voire à un outil spécifique. En emprunter plusieurs, successivement, impose de savants calculs, souvent décourageants.

Réponse à cette complexité, le concept de Mobility as a Service – ou MaaS – propose une approche radicalement différente : plutôt que de jongler entre de multiples applications pour réserver ou s’informer, l’usager n’a plus qu’à se rendre sur une plateforme digitale unique qui rassemble l’ensemble des acteurs concernés (services et entreprises de transport, mais aussi responsables de la gestion piétonne, des parkings, etc.). Via une application unique, il peut trouver son itinéraire, le(s) moyen(s) de transport les plus adaptés, mais aussi payer et valider l’ensemble de ses titres de transport.

Ce modèle, qui suscite aujourd’hui l’intérêt des métropoles de tous les continents, a été mis en place par MaaS Global, une start-up finlandaise à l’origine de l’application qui fait référence en la matière : Whim.

Depuis décembre 2017, l’entreprise propose une solution de mobilité « all inclusive » aux habitants d’Helsinki, disponible sur abonnement. Après souscription, ils ont accès à des trajets en bus, vélo partagé, taxi et/ou voiture de location. Si l’application, dans sa formule de base, offre une centralisation de l’achat et la facturation de billets, elle propose surtout une formule sans restriction par laquelle toute la mobilité est accessible en illimité. C’est par ailleurs ces caractéristiques qui font de Whim la solution la plus avancée du marché, en ce qu’elle propose des « packages » de mobilité avec des tarifs différents, à l’image d’une agence de voyage.

La promesse d’une mobilité plus fluide et plus durable

Cette simplicité d’usage n’est pas le seul atout du MaaS. En effet, ces solutions reposent sur un changement profond d’approche : remplacer l’utilisation d’un bien personnel par l’usage d’un service disponible pour tous les habitants d’un territoire. Se dessine ainsi une alternative très crédible à la voiture individuelle. Développement des transports en commun, mais aussi de l’autopartage ou du covoiturage : le bénéfice environnemental est évident, en milieu urbain comme rural. D’autant plus que, dans sa version la plus aboutie, telle qu’imaginée par le Boston Consulting Group(1), la plateforme MaaS pourrait même favoriser l’utilisation de mobilités douces, en proposant par exemple des tarifs réduits pour les transports en commun en heures creuses.

Le MaaS fait, en outre, figure d’élément de réponse à l’un des grands défis des prochaines décennies : le déplacement au sein de villes toujours plus étendues.(2)

À l’œuvre dans la plupart des métropoles de la planète, le phénomène d’étalement urbain engendre notamment un allongement continu de la durée de déplacement des salariés pour se rendre à leur travail.

« Ainsi, selon une étude de 2017(3), les habitants des grands pays mettent en moyenne 69 minutes pour effectuer l’aller-retour domicile-travail (et même 79 minutes pour les Américains et 97 minutes pour les Israéliens). »

Une tendance à mettre en perspective avec une autre : d’ici à 2050, près de 70 % des habitants de la planète devraient vivre en milieu urbain(4)

Fin des « transports » : qui à la manœuvre ?

Si toutes ces possibilités offertes par le MaaS sont prometteuses, l’intégration de l’ensemble des modes de transports d’un territoire sur une plateforme unique a tout d’un casse-tête. Et la plus grande difficulté n’est pas d’ordre technique. « Il faut en finir avec le terme même de “transport”, estime ainsi Stéphane Schultz, consultant en innovation, spécialiste des modèles qui hybrident le web et la ville. En effet, cette notion implique de travailler en silos : untel gère le bus, lui l’autocar régional, un autre le parking, un autre encore la marche à pied ou le stationnement du centre commercial, etc. »

Quel acteur est le plus approprié pour jouer ce rôle d’unificateur ? Start-up disposant d’une délégation de service public (Whim ou encore Zipster à Singapour), opérateurs de transport, mastodonte procédant régulièrement à des rachats et des partenariats (les américains Uber et Google et les chinois Didi et Grab)… Les modèles, comme les prétendants, sont nombreux. Autre possibilité : les collectivités elles-mêmes, qui peuvent mettre en avant leurs connaissances de leurs territoires et des enjeux de mobilité, comme leur « neutralité ». Ce dernier modèle est par exemple celui que semble avoir privilégié la France où la Loi d’Orientation des Mobilités (LOM) prévoit que, d’ici à mars 2021, les communautés de communes choisissent de prendre la compétence d’autorité organisatrice de la mobilité ou d’en laisser l’exercice au niveau régional(5).

Rappelons à ce sujet l’opinion d’Anne Berner, la ministre finlandaise des Transports : « Si la plateforme de mobilité est possédée par un gros acteur public auquel se connectent les opérateurs privés, ça n’induit pas suffisamment de changement des mentalités, ça ne laisse pas assez de place à l’innovation. »

Quel que soit le modèle privilégié, le soutien actif de l’État paraît, lui, indispensable. C’est ainsi qu’en Finlande, le lancement de Whim a été précédé d’une grande loi sur les transports(7) qui a notamment contraint les opérateurs à ouvrir les systèmes d’information et de paiement à des acteurs privés.

L’indispensable redéfinition de la notion de mise en commun

La mise en place effective d’une solution MaaS soulève une problématique encore plus large. « Un autre enjeu décisif est de remettre au goût du jour la notion de mise en commun, remarque Stéphane Schultz. Or, les pratiques numériques, les réseaux sociaux, ont développé l’individualisme de masse, où chacun choisit les communautés qu’il rejoint. » L’expert considère ainsi que l’utilisation des transports publics touche au sujet même du vivre ensemble : « Il faut faire appel à des ingénieurs sociaux, des designers, des professionnels qui travaillent au développement de pratiques communes. » Objectif : redonner envie aux individus d’accepter de partager du temps, des lieux, voire même des actions, avec notamment le covoiturage.

Une ambition qui prend une tonalité particulière à la suite d’une année 2020 hors norme, marquée par une forte baisse de l’usage des transports en commun, mais également la montée en puissance des modes actifs de mobilité, notamment électriques (vélos, trottinettes, etc.). Et si ce n’était pas là, justement, une opportunité unique de mettre en place des déplacements plus fluides, vertueux et durables ? Reste à l’ensemble des acteurs, collectivement, de parvenir à la saisir.

Contenu édité par CPR Asset Management sur https://trendsformative.com/fr/

(1) https://lyko.blog/maas-mobility-as-a-service-definition/
(2) https://www.villeintelligente-mag.fr/L-integration-des-territoires-un-nouvel-enjeu-pour-la-mobilite_a903.html
(3) Etude Dalia/Statista, 2017
(4) https://news.un.org/fr/story/2018/05/1014202
(5) https://www.cerema.fr/fr/actualites/lom-quelle-organisation-competences-mobilite
(6) https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/10/13/a-helsinki-une-appli-permet-d-organiser-tous-ses-deplacements-en-un-clic_5368833_3234.html
(7) https://www.lvm.fi/en/-/act-on-transport-services-955864

CPR Asset Management, Société anonyme au capital de 53 445 705 € - Société de gestion de portefeuille agréée par l’AMF n° GP 01-056 - 399 392 141 RCS Paris - 90, boulevard Pasteur, 75015 Paris - France.