D’après le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), la transition énergétique nécessaire pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C au-dessus des conditions préindustrielles est en cours dans de nombreux secteurs et régions. Néanmoins, la sobriété, les investissements et le déploiement de technologies bas-carbone sont bien en deçà des résultats attendus. L’hydrogène peut contribuer à des réductions d’émissions importantes et nécessaires dans un scénario zéro émission nette. Néanmoins, certains défis devront être surmontés pour construire une filière hydrogène forte et bas-carbone.

3 points clés à savoir sur la filière de l’hydrogène

L’hydrogène est souvent considéré comme un levier clé vers la décarbonation du secteur de l’énergie. Toutefois, quelques rappels s’imposent pour comprendre à quoi ressemble la filière de l’hydrogène aujourd’hui :

  1. Premièrement, employer le terme hydrogène est un abus de langage. Pour être scientifiquement exact, il faudrait utiliser le terme dihydrogène pour désigner cette source d’énergie. En effet, deux atomes d’hydrogène (H2) structurent la molécule de dihydrogène, porteuse d’un fort potentiel énergétique.
  2. Ensuite, l’hydrogène est un vecteur d’énergie : il transporte l’énergie produite par une source primaire vers les utilisateurs finaux, comme l’électricité. L’empreinte carbone de l’hydrogène dépend alors de l’intensité carbone de sa source d’énergie.
  3. Troisièmement, à l’heure actuelle, près de 100 % de la production provient de combustibles fossiles (gaz naturel et charbon principalement). Principalement utilisé dans l’industrie chimique, l’hydrogène est responsable de 900 Mtéq CO2, soit 2,5 % des émissions mondiales de CO2 dans l’énergie et l’industrie ou les émissions de CO2 du Brésil et du Royaume-Uni réunis.

L’hydrogène : quel potentiel pour la décarbonation ?

Du fait de sa dépendance aux énergies fossiles, l’hydrogène est, à l’heure actuelle, loin d’être une solution verte. Un passage rapide à des options de production bas-carbone sera essentiel pour garantir son potentiel de décarbonation.

L’IAE exhorte les gouvernements à diriger leurs politiques et à développer des stratégies pour accélérer l’adoption de l’hydrogène comme énergie propre. Cependant, des objectifs concrets pour le déploiement d’une production bas-carbone devront être définis afin de renforcer la confiance des parties prenantes dans le marché potentiel de l’hydrogène bas-carbone. L’intérêt croissant pour l’hydrogène vert est une première étape nécessaire, qui, espérons-le, créera une dynamique et déclenchera davantage d’investissements pour intensifier et accélérer le déploiement.

Dans son scénario « Net Zero » (NZE), l’IEA présume que l’hydrogène aura un rôle clé pour atteindre zéro émission nette :

  • Volumes : La production d’hydrogène devrait être multipliée par 5 d’ici à 2050.
  • Sources de production : En outre, à partir de 2030, plus de 50 % de la production devrait être bas-carbone, en utilisant l’électrolyse (hydrogène vert produit par l’énergie solaire, l’énergie éolienne, l’énergie hydraulique ou le biogaz) et les combustibles fossiles combinés aux procédés CCUS (hydrogène bleu incluant la capture, l’utilisation et le stockage du carbone – Carbon capture, usage and storage). À terme, en 2050, 60% de la production devrait être couverte par l’électrolyse et 40 % par les combustibles fossiles avec des procédés CCUS. Il est important de souligner que des sources de production bas-carbone supplémentaires seront nécessaires pour produire cet hydrogène. Il serait ainsi en mesure de concurrencer d’autres usages tels que l’électricité pour les bâtiments ou les batteries de voiture. En outre, des améliorations significatives de l’efficacité énergétique seraient nécessaires pour rendre l’hydrogène compétitif, réduisant les pertes d’énergie au cours de plusieurs processus de conversion. Cela signifie que des investissements importants et la mise à l’échelle rapide dans les énergies bas-carbone seront clés dans les scénarios zéro émission nette où l’hydrogène joue un rôle clé.

Par ailleurs, selon le scénario de développement durable (SDS) de l’IAE, qui suit une trajectoire « en-dessous de 2 °C » et qui présente des projections de volumes d’hydrogène similaires à celles du scénario NZE :

  • Secteurs économiques ciblés : Jusqu’en 2030, l’hydrogène ne semble utile que pour le secteur industriel. Ensuite, en 2050, les transports représenteraient environ 2/3 de la demande d’énergie finale en hydrogène (moteurs à hydrogène, carburants de synthèse, électricité, etc.). Les voitures et les camions à hydrogène semblent être les technologies les plus prometteuses, et non les avions ou les porte-conteneurs. Cela signifie que les applications commerciales de l’hydrogène dans les transports sont l’objectif à moyen et long termes. En d’autres termes, les politiques ne peuvent pas espérer de retours à court terme sur les technologies de transport basées sur l’hydrogène.
  • Potentiel d’atténuation des gaz à effet de serre (GES) : en 2050, 5 % des émissions totales de CO2 pourraient être réduites grâce à l’hydrogène, ce qui est modéré même si les estimations d’atténuation varient beaucoup selon les scénarios. Cela signifie que l’hydrogène doit passer d’un secteur émissif à un secteur facilitant les réductions nettes de GES, ce qui constitue un défi de taille.

Les priorités identifiées pour développer l’hydrogène en tant qu’outil de décarbonation

Les étapes suivantes offrent une vue d’ensemble des recommandations stratégiques pour le développement de l’hydrogène décarboné :

  1. Réduire les émissions de carbone de la production d’hydrogène.
  2. Identifier les secteurs/sous-secteurs les plus prometteur. Le transport est déjà identifié notamment pour décarboner l’aviation ou le transport maritime.
  3. Arbitrer quelle technologie est la meilleure pour chaque usage (électrique versus hydrogène) : véhicule utilitaire léger, bus, camion
  4. Intégrer une analyse régionale : toutes les solutions ne s’adaptent pas à toutes les géographies (coûts et technologies disponibles).
  5. Identifier les meilleurs partenaires pour les projets industriels. Se rapprocher des associations professionnelles.
  6. S’assurer que les clients ne sont pas réticents aux solutions envisagées : l’acceptation sociale est essentielle.
  7. Augmenter les investissements.

Le besoin urgent de lutter contre le dérèglement climatique augmente alors que la fenêtre d’action pour éviter les pires impacts du changement climatique se referme. Pour atteindre zéro émission nette d’ici à 2050, nous avons besoin de développer des solutions dès maintenant. L’hydrogène renouvelable ou « vert » a un potentiel énorme pour participer à la décarbonation du système énergétique. Cependant, bien que les progrès dans les technologies de l’hydrogène augmentent, ils sont encore bien en deçà de ce qui est nécessaire pour atteindre nos objectifs climatiques d’ici à 2050.

Pour l’instant, l’IAE estime que davantage d’efforts sont nécessaires pour créer la demande et réduire les émissions associées à la production d’hydrogène avant de pouvoir commencer à exploiter son potentiel en tant qu’alternative verte aux combustibles fossiles traditionnels et contribuer à la transition mondiale vers zéro émission nette.

Article proposé par notre partenaire Eco Act, rédigé par Jordan Hairabedian. Egalement disponible sur le site d’EcoAct