Les gains de productivité, une démographie en perte de vitesse dans les économies développées, la mondialisation accrue visant à produire à bas coût… Sans nul doute, ces déterminants ont contribué à des décennies de progression mesurée des prix en occident. Pourtant, l’inflation n’avait pas complètement disparu. Elle se faisait violente sous d’autres contrées. Elle hibernait dans les économies occidentales. Une situation de quasi-plein-emploi aux États-Unis avant la période Covid, des politiques monétaires non conventionnelles, un cours du baril ayant parfois dépassé les 100 dollars… Rien n’y faisait ! La crise sanitaire l’aurait-elle durablement réveillée cette fois-ci ? Pas de débat sur le constat à court terme. Les prix à la consommation progressent de plus de 6 % sur un an outre-Atlantique. La progression est moindre sur le Vieux Continent mais s’affiche désormais bien au-delà de la moyenne des 2 % fixée par la Banque centrale européenne.

Quelle politique monétaire ?

Il y a encore peu de temps, les institutions monétaires aux Etats-Unis comme en Europe parlaient d’une seule voix. Elles s’accordaient à considérer la remontée des prix comme un phénomène transitoire en partie lié à des effets de base. La reprise vigoureuse qui a suivi la réouverture des économies se tassera, le pic de croissance étant déjà atteint dans certaines zones du globe. Pour autant, des effets de second tour interpellent. La remontée des prix commence à se diffuser aux salaires outre-Atlantique. Pour le moment, l’inflation des revenus est ciblée, elle concerne certains secteurs en proie à une pénurie de main-d’œuvre. Les banquiers centraux se seraient-ils trompés ? La Réserve fédérale américaine a désormais acté une réduction de son programme d’achats d’actifs.

Fait-on face à un changement de paradigme ? Doit-on considérer ces messages comme un début de modification radicale de politique monétaire ? N’assistons-nous pas plutôt à un simple ajustement dans la mesure où la réouverture des économies va de pair avec un redémarrage économique qui nécessite moins d’injections de liquidités ?

Difficile de répondre de manière catégorique alors que les sujets liés à la pandémie restent d’actualité. Ces questions ne sont pas l’apanage des Américains, elles concernent d’autres zones.

Des effets bénéfiques

Mais l’investisseur voit loin, plus loin. Là où la Réserve fédérale américaine met en place une réduction des injections de liquidités, le financier s’interroge sur une future hausse des taux.

Une remontée plus pérenne des prix réduirait certainement les marges de manœuvre des autorités monétaires. Nombreux s’accordent néanmoins à penser que le niveau actuel des taux ne traduit ni la dynamique de croissance économique stimulée par de multiples plans de relance, ni le niveau de croissance des prix.

Des taux longs plus élevés renchériraient le coût de la dette des acteurs publics et privés. Ils donneraient certainement plus de relief à la courbe des taux. Le coût du temps, une notion subjective, à nouveau rémunéré ? De la “mauvaise” à la “bonne” inflation il n’y a qu’un pas. Une brutale remontée des prix conséquente à un choc exogène (remontée significative du prix du pétrole, tensions sur les chaînes de production suite à une résurgence du virus) viendrait inéluctablement peser sur les marges des entreprises et sur le pouvoir d’achat des ménages. Ce scénario de stagflation (plus d’inflation et moins de croissance) est clairement redouté par les économistes. En revanche, une inflation sous contrôle, fondée sur une dynamique de reprise plus harmonieuse constituerait le scénario idéal aux yeux des investisseurs. Elle participerait à l’allégement de l’effort du remboursement de la dette et s’afficherait en ligne avec les objectifs tant souhaités par les banques centrales depuis de nombreuses années.

La prudence des investisseurs

Sur les marchés, les intervenants évoluent sur une ligne de crête. Leurs pas se font parfois plus hésitants.

D’un côté, ils continuent d’être rassurés par les liquidités abondante et par la dynamique de la reprise économique des deux côtés de l’Atlantique. Ils admettent que dans un environnement de taux bas et d’inflation plus élevée il y a peu d’alternatives aux investissements en actions pour faire fructifier un patrimoine sur le long terme. Les enjeux de transition énergétique constituent de réels relais de croissance.

D’un autre côté, ils prennent conscience que l’effet lié à la réouverture des économies est pour partie derrière nous. Le message des entreprises reste pour l’heure encourageant mais l’accélération de la révision à la hausse des perspectives bénéficiaires tendra à s’essouffler. Des programmes d’aides plus ciblées et plus discriminantes se mettent désormais en place. Les débats sur la trajectoire de la dette déboucheront, de fait, sur le devenir de l’accommodation budgétaire. En Asie, le moteur chinois s’avère temporairement moins véloce. La volonté affichée du gouvernement de réduire les disparités entre les plus riches et les plus modestes est passée par une série de mesures. La question sur le rythme et sur l’ampleur de la régulation reste ouverte. Les déboires dans le secteur immobilier chinois ont fait figure d’alerte pour les investisseurs. Plus qu’un risque systémique, la crainte réside dans un assouplissement plus marqué de la croissance du pays. Il n’en fallait pas davantage pour que les autorités chinoises réagissent par des mesures de soutien monétaires. Le secteur immobilier constitue indéniablement un pilier de la demande intérieure chinoise.

La diversification reste de mise

Le contexte actuel rend ainsi l’exercice plus complexe. Il est aisé de convenir que les indices ne pourront pas dessiner à l’infini le parcours haussier entamé depuis fin octobre 2020, au moment de l’annonce des vaccins contre l’épidémie. Il est probable que les marchés intègrent désormais nombre de bonnes nouvelles alors que, dans le même temps, la diminution graduelle des achats d’actifs de la Réserve fédérale est désormais tangible. La dynamique bénéficiaire des entreprises devrait perdurer mais à un rythme moins soutenu. La configuration actuelle des taux dans les économies avancées laisse peu de perspectives de rendement sur les titres d’États. Il convient ainsi de privilégier le marché des actions face aux obligations souveraines et de se prémunir en cas de remontée des taux.

Dans cet environnement où la lisibilité se réduit et où de nombreux défis à la fois sanitaires, économiques, sociétaux et géopolitiques seront à relever, il est nécessaire de rester réactif et de maintenir une stratégie de diversification dans les portefeuilles.

Les actifs de qualité resteront recherchés dans un contexte où la capacité de chaque entreprise à maintenir ses marges pourrait être différenciante. Certaines thématiques de long terme, porteuses de croissance structurelle, continueront de bénéficier des tendances mises en lumière dans la période récente. Plus globalement, les sujets liés à la durabilité des investissements ainsi qu’aux notions environnementales, sociales et de gouvernance devraient continuer à gagner la faveur des investisseurs.

Il est à rappeler que la volatilité fait partie intégrante des marchés financiers. Elle se doit d’être considérée comme une opportunité pour les investisseurs de long terme.

Frédéric Collorafi, membre du Comité d’investissement et de la Direction de la gestion de portefeuille LCL
Achevé de rédiger le 13 décembre