Depuis la décision de placer la France en confinement, le gouvernement a mis en place un plan d’urgence afin de soutenir l’économie française. Parmi les mesures annoncées, celles relatives aux entreprises qui ont par exemple la possibilité de demander, sous conditions, le report de charges fiscales et sociales. D’autres dispositions ont également été adoptées dans la deuxième loi de finances rectificative pour 2020.

L’article 3 de cette loi a notamment instauré un dispositif fiscal exceptionnel et temporaire avec pour objectif de favoriser la maîtrise de l’endettement des entreprises locataires en incitant leur bailleur à renoncer aux loyers.

Pour rappel, un bailleur personne physique percevant des revenus locatifs sera imposé à l’impôt sur le revenu dans l’une des catégories suivantes:

  • les revenus fonciers lorsque les loyers sont issus des immeubles loués nus ;
  • les bénéfices industriels et commerciaux (BIC) pour ceux provenant d’immeubles loués et munis du mobilier ou matériel nécessaire à l’exploitation;

Lorsque le loueur est une société soumise à l’impôt sur les sociétés (IS), ces revenus locatifs seront imposés selon le régime des BIC. Enfin, lorsqu’il s’agit d’une société non soumise à l’IS, l’impôt sur ses revenus  sera établi au nom des associés selon le régime fiscal qui leur est propre et tel que décrit ci-avant.

Avant d’aborder les apports de la loi relative aux abandons de loyer, évoquons la situation du propriétaire qui est souvent confronté dans un premier temps au non-paiement du loyer à l’échéance.

La situation du bailleur en présence d’impayés

La situation fiscale du loueur est différente selon que l’imposition de ces revenus relève du régime des revenus fonciers ou du régime des BIC.

En matière de revenus fonciers, seuls les loyers effectivement encaissés au cours de l’année d’imposition sont à déclarer à l’impôt sur le revenu, quelle que soit la période à laquelle ils se rapportent. Ainsi, les loyers non perçus en 2020, malgré les démarches du bailleur pour recouvrir sa créance, ne feront l’objet d’aucune taxation au titre de cette année mais seulement l’année de leur régularisation.

Concernant les BIC, le raisonnement fiscal est différent. Les loyers sont en principe compris dans les recettes imposables de l’année de location courue, et ce indépendamment du règlement ou non du loyer.

Dans certaines situations, le bailleur peut être enclin à consentir à son locataire, un abandon de loyer. En effet, plutôt que d’exercer des poursuites en recouvrement de sa créance, à l’issue aléatoire, le propriétaire peut préférer maintenir l’occupant dans les lieux. Ainsi, la santé financière du locataire s’améliorera et le bailleur verra le risque de vacance locative s’éloigner.

Quel sort fiscal réservé à l’abandon de loyer ?

Généralement, la renonciation des loyers en revenus fonciers rend ces derniers imposables à l’impôt sur le revenu, dès lors qu’ils peuvent être regardés comme constitutifs d’un acte de disposition ou d’une libéralité au bénéfice du preneur[1].

En matière de BIC, si les créances de loyer participent à la détermination du résultat, en revanche, l’abandon de cette créance n’est généralement pas une opération déductible du résultat imposable. Des exceptions existent toutefois lorsque il constitue un acte de gestion normal ou dans le cadre de certaines procédures applicables aux entreprises en difficultés (plan de sauvegarde ou de redressement par exemple).

Dans le cadre de la crise sanitaire, la 2ème loi de finances rectificative pour 2020 a instauré un dispositif fiscal dérogatoire et temporaire d’abandon de loyers lorsque le locataire est une entreprise. Les abandons de créances de loyers et accessoires d’un bailleur percevant des revenus fonciers, consentis au profit d’une entreprise, ne seront pas imposables, dès lors qu’ils interviennent entre le 15 avril et le 31 décembre 2020. Il est exigé dans une telle situation qu’aucun lien de dépendance(2) n’existe entre le loueur et l’entreprise locataire. Dans le cas où celle-ci est exploitée par un ascendant, descendant ou un membre du foyer fiscal du bailleur, ce dernier devra pouvoir justifier des difficultés financières du locataire. Il est à noter qu’en cas d’abandon de loyer, les charges correspondantes tels que les intérêts d’emprunt, charges de propriétés (…) pourront en revanche être déduites du revenu imposable.

Les titulaires de BIC pourront déduire de leur résultat imposable(1) les abandons de créances de loyer et accessoires  sous réserve d’une absence de lien de dépendance et d’abandon consenti entre le 15 avril et le 31 décembre 2020.

Si l’abandon de créance n’est finalement pas retenu, le bailleur pourrait donc percevoir ces loyers en différé. Lorsque le loueur obtiendra des arriérés de loyers dont les échéances se rapportent à des années antérieures, il pourra bénéficier d’une imposition selon le mécanisme du quotient. Ce dernier a pour avantage de limiter la progressivité de l’impôt afférent à ces revenus. Ce dispositif s’exerce sans condition de montant, et sur simple option du bailleur dans sa déclaration de revenus (cerfa n° 2042).

Article achevé de rédiger le 12 juin 2020 par Nicolas Descat et Bruno Hervé, juristes-fiscalistes patrimoniaux, LCL Banque Privée

(1) BOI-RFPI-BASE-10-10 §70.
(2) Un tel lien est réputé exister si l’un détient directement ou indirectement la majorité du capital social de l’autre ou y exerce effectivement le pouvoir de décision, ou si l’un et l’autre sont contrôlés par une même société.
(3) Comptablement, cette charge déductible viendra compenser le produit constaté au titre de la créance de loyer.