Malgré les débats et le vote de nombreuses propositions, l’Assemblée nationale n’a pas adopté la 1ère partie du projet de loi de finances, celui-ci étant par conséquent considéré comme rejeté pour l’ensemble en première lecture.
Le texte a donc été transmis au Sénat dans sa version initiale. Il devrait y être examiné jusqu’au 14 décembre prochain avec un vote le lendemain.
Nous vous présentons quelques amendements importants adoptés à ce jour.
Remplacement de l’impôt sur la fortune immobilière par une contribution des hauts patrimoines
L’impôt sur la fortune immobilière (IFI) serait remplacé par une contribution des hauts patrimoines dont le seuil d’assujettissement serait relevé à 2,57 M€ contre 1,3 M€ pour l’IFI.
L’assiette de ce nouvel impôt serait élargie et constituée par la valeur nette des actifs suivants, détenus directement ou indirectement :
- la résidence principale, après un abattement de 30 %, et les résidences secondaires, ainsi que les logements laissés vacants et les immeubles non bâtis non affectés à une activité économique,
- les liquidités et placements financiers assimilés tels que comptes courants, comptes à terme, livrets, fonds monétaires,
- Les biens meubles corporels (voitures, yachts, avions, meubles meublants, …),
- les actifs numériques tels que les bitcoins…
A noter que les investissements immobiliers locatifs seraient considérés comme des placements productifs exonérés compte tenu de leur contribution à la croissance économique française.
Seraient exclus de l'assiette de cette contribution :
- les placements financiers long terme tels que, notamment, l’assurance-vie en unités de compte ou fonds euros, les PEA et PER, mais également les actions, obligations, les OPCVM, le capital-investissement ainsi que les SCPI / OPCI,
- les bois, objets d’antiquité, d’art ou de collection…
Prorogation de la contribution différentielle sur les hauts revenus
Pour rappel, la contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR) a été instaurée par la loi de finances 2025 afin d’assurer une imposition minimale de 20 % des plus hauts revenus. Dès lors que l’imposition cumulée au titre de l’impôt sur le revenu et de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR) est inférieure à 20 % du revenu du foyer fiscal, une contribution différentielle est due pour atteindre ce niveau d’imposition.
Elles concernent les contribuables résidents fiscaux français ayant au titre de l’année 2025, un revenu de leur foyer fiscal (calcul d’un revenu fiscal de référence « RFR » après retraitements) supérieur à 250 000 € pour les contribuables célibataires, veufs, séparés ou divorcés et à 500 000 € pour les contribuables soumis à une imposition commune.
Le texte initial du projet de loi de finances prorogeait la CDHR pour l’imposition des revenus 2026 avec la reconduction du mécanisme d'acompte et un alignement des modalités de détermination du caractère exceptionnel d’un revenu sur les modalités de droit commun en cas de changement de la situation de famille.
Le Sénat vient d'adopter plusieurs amendements (dont un avec avis de sagesse de la commission et avis favorable du gouvernement) visant à ajuster le calcul de la CDHR au regard des montants de l’impôt sur le revenu et de la CEHR pris en compte. Le calcul du revenu fiscal de référence et de l’impôt payé s’effectuerait notamment sans qu’il soit fait application des règles du quotient. L’amendement intègre également des modalités d’imposition à la CDHR lorsque des contribuables transféreraient leur domicile fiscal en cours d’année.
Taxe sur les holdings patrimoniales
L’objectif de la mesure serait de lutter contre les stratégies de capitalisation des revenus financiers (dividendes, intérêts, produits financiers) dans certaines holdings (françaises ou étrangères).
Cette nouvelle taxe, dans sa version initiale du projet, était applicable selon plusieurs critères cumulatifs dont notamment :
- une valeur vénale des actifs non professionnels détenus par la holding d’au moins 5 millions d’euros,
- des revenus passifs (dividendes, intérêts, produits financiers …) représentant plus de 50 % des produits totaux de la société,
- une personne physique, ou un cercle familial, détenant au moins un tiers des droits de vote ou des droits financiers dans la holding.
- Une taxe de 2% était envisagée sur la valeur nette des actifs imposables (actifs non professionnels).
L’amendement adopté par les sénateurs viseraient à recentrer cette taxe sur une liste de biens considérés comme somptuaires (yachts, chevaux de course, logement mis à la disposition de la personne détentrice de la holding…) sans pénaliser les activités opérationnelles, en excluant de fait la trésorerie. Les biens exposés (objets d’art, de collection ou d’antiquité…) dans un lieu accessible au public ou aux salariés en seraient exclus.
En contrepartie du recentrage, le taux serait porté à 20%. Un plafonnement de l’impôt dû rapporté aux revenus du contribuable serait institué afin d’assurer la constitutionnalité de la taxe.
Autre modification, pour s’assurer du véritable contrôle de la société, et notamment de sa politique de distribution des revenus, la personne physique (ou le cercle familial proche) devrait détenir 50 % des droits de vote ou droits financiers, et non seulement 33,33 %, de la holding concernée par cette taxe.
Apport cession1
Dans le cadre de ces opérations, la durée de conservation par la holding des titres apportés, ou de leur réemploi, serait allongé en prévoyant un délai de cinq ans dans tous les cas de réinvestissement direct ou indirect.
Par ailleurs, le seuil de réinvestissement du produit de cession des titres apportés, actuellement fixé à 60 %, serait porté à 70 %.
Enfin, les investissements donnant droit au maintien du report d’imposition seraient modifiés en excluant les activités immobilières ou financières ainsi que celles de location meublée considérées comme peu risquées.
Pacte Dutreil
Les amendements prévoient l’augmentation de la durée de l’engagement individuel de conservation des titres et parts de société de 4 à 6 ans pour bénéficier de l'exonération de 75 % de leur valeur dans le cadre de leur transmission.
Le bénéfice du dispositif fiscal serait également recentré à la seule fraction de la valeur des parts ou actions transmises correspondant à la détention de biens professionnels nécessaires à l’exercice de l’activité.
Le mécanisme du pacte « réputé acquis », tenant compte des cas où le chef d’entreprise est décédé avant de pouvoir mettre en œuvre un pacte Dutreil, serait supprimé et une clause anti-abus serait instituée visant les montages de type Family Buy-Out (combinant transmission des titres et holding de reprise de l’enfant repreneur).
Barème de l’impôt sur le revenu et indexation sur l’inflation
Seul le revenu plafond de la première tranche du barème de l’IR au taux de 11% serait revalorisé à hauteur de 1%. Cette mesure permettrait aux ménages ayant des revenus modestes de ne pas franchir le seuil d’imposition.
L’ensemble de ces mesures ne sont, bien entendu, pas définitives tant sur leur principe que sur leur contenu. Après le vote du Sénat, prochaine étape : réunion de représentants de ce dernier et de l’Assemblée nationale en commission paritaire mixte pour (tenter ?) de trouver un consensus.
Achevé le 03/12/25 par Cécile Roure, juriste-fiscaliste patrimonial LCL Banque Privée
(1) Article 150 0 B ter du Code général des impôts
