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Comment l’IA s’insère et fait évoluer les métiers de la santé, du chiffre et du droit ?

1 min 30 s

Impossible aujourd’hui d’évoquer la transformation du monde du travail sans parler de l’intelligence artificielle. En l’espace de cinq ans, l’IA est en effet passée du statut d’outil émergent à celui de technologie structurante. Une révolution silencieuse qui touche particulièrement trois secteurs professionnels : la santé, le chiffre et le droit. Décryptage.

Comment l’IA s’insère et fait évoluer les métiers de la santé, du chiffre et du droit ?

Dans son dernier ouvrage intitulé « L’IA et l’emploi »(1), l’économiste Gregory Verdugo l’assure : « Les discours contemporains autour de l’emploi sont empreints d’une profonde anxiété envers les progrès spectaculaires des nouvelles technologies, en particulier ceux de l’intelligence artificielle ». Et de poursuivre, quelques pages plus loin : « avec l’arrivée en force de l’IA dans le quotidien des entreprises, d’aucuns anticipent une crise inédite de l’emploi et un chômage technologique de masse pour ceux dont le travail deviendrait obsolète ».

Un tableau pour le moins inquiétant… Mais difficile à prendre comme argent comptant. En effet, faute de véritable recul, il serait très hasardeux de tirer des conclusions définitives sur l’impact de l’IA sur l’emploi. Comme le rappelle l’économiste, « chaque révolution technologique a déconcerté son époque ». Qu’il s’agisse des machines à vapeur ou de l’informatique, c’est à chaque fois par étapes que les entreprises ont intégré ces innovations. Une manière efficace d’en comprendre progressivement les usages possibles tout en anticipant leurs effets sur les salariés.

Tout porte donc à croire que l’intelligence artificielle suive la même trajectoire d’adoption. Sans bouleversement immédiat… Mais avec des transformations, déjà visibles, qui s’installeront à n’en pas douter dans la durée.

Dans la santé, l’IA au service des soignants

Radiologie, dermatologie, ophtalmologie, oncologie : ces dernières années, les spécialités médicales se sont numérisées à vitesse grand V. À tel point qu’aujourd’hui, les algorithmes d’analyse d’images sont désormais capables de détecter des micro-signaux invisibles pour l’œil humain. Résultat : des diagnostics plus rapides, plus homogènes… Et des risques d’erreurs réduits.

Toutefois, il convient de préciser que ces technologies intelligentes ouvrent également un vaste champ d’interrogations éthiques. Tout d’abord parce que lorsque l’IA intervient dans une décision médicale, le praticien a l’obligation de jouer la transparence : il doit en avertir son patient, justifier le recours à l’Intelligence Artificielle et détailler la manière dont il a interprété ses résultats.


Autre principe essentiel : la liberté de jugement. Le soignant doit pouvoir s’écarter des recommandations délivrées par l’IA s’il estime qu’elles ne sont pas adaptées. Le patient, de son côté, doit conserver la possibilité de refuser qu’une décision médicale puisse reposer sur une analyse algorithmique.


Enfin, dernier point, et non des moindres : la responsabilité juridique. Si un professionnel suit l’avis d’un système automatisé allant à l’encontre des pratiques courantes, qui sera responsable en cas d’erreur ?

Un gain de temps administratif colossal

En revanche, s’il est bien un domaine où l’IA ne fait pas débat dans le domaine de la santé, c’est la réduction du temps administratif. Comptes rendus, codifications, formulaires, saisies… Aujourd’hui, les soignants consacrent jusqu’à 40 % de leur emploi du temps aux taches non cliniques.

Or, selon un rapport du Sénat – « IA et santé », déposé le 21 mai 2024 –, les IA conversationnelles pourraient réduire « jusqu’à un tiers » ce temps administratif. De quoi libérer des plages d’écoute et de présence auprès des patients.

Et dans les autres métiers du chiffre et du droit...

Dans les métiers du chiffre, l’IA bouscule la logique de production

Cécile de Saint Michel, ancienne Présidente du Conseil National de l'Ordre Des Experts-Comptables (CNOEC), expliquait lors de son mandat voir l’IA comme « une formidable opportunité de transformation pour la profession comptable, à condition qu’elle évolue encore… ».

Force est de constater qu’elle ne s’était pas trompée : aujourd’hui, les solutions d’automatisation intelligente savent extraire des données de factures, réconcilier automatiquement des écritures, catégoriser les transactions, détecter les anomalies ou les fraudes ou encore générer des balances et précomptes automatisés.

Une facilitation du quotidien pour les collaborateurs des experts-comptables qui consacraient jusqu’alors jusqu'à 90 % de leur temps à de la saisie comptable. Désormais libérés de ces tâches chronophages, ils ont désormais de nouvelles perspectives en termes de missions. Pour les aider à les identifier, le CNOEC a déployé un vaste programme baptisé « Profession Comptable 2030 ». L’enjeu : permettre aux experts-comptables d’actualiser leurs compétences et d’élargir leur palette de services afin de mieux répondre aux attentes de leurs clients.

Ce plan de formation ouvre ainsi la voie à des missions en plein essor : direction financière externalisée, gestion administrative déléguée, suivi du recouvrement, optimisation de la trésorerie, recherche de financements, accompagnement patrimonial du dirigeant ou encore premiers diagnostics en cybersécurité.

Si, longtemps, les cabinets ont manqué de disponibilité pour aborder ces sujets en profondeur, l’accélération de la transformation numérique leur offre désormais l’opportunité de s’y consacrer pleinement. Et ainsi d’évoluer vers un rôle de conseillers stratégiques permanents, et non plus de prestataires ponctuels.

Dans le droit, l’IA accélère la recherche… Mais ne remplace pas l’argumentation

Tous les avocats vous le diront : le cœur du travail juridique repose en grande partie sur la recherche (jurisprudence, doctrine, textes, commentaires…). Un travail fastidieux que les IA génératives sont désormais capables de prendre en charge.

Bon à savoir

Selon une étude de Goldman Sachs, les IA génératives pourraient automatiser jusqu’à 44 % des tâches pour les métiers du droit.

Qu’il s’agisse de réponses instantanées à des questions juridiques complexes, de résumés de décisions de justice, de suggestions d’arguments ou encore de production automatisée de contrats, mises en demeure ou conclusions préliminaires, l’Intelligence Artificielle peut (presque) tout faire. Résultat : un gain de temps considérable pour les avocats.

Pour ceux d’entre eux qui seraient un peu perdus face à cette « révolution », le Conseil national des barreaux a édité un guide pratique fournissant des conseils et des bonnes pratiques pour leur permettre d’identifier les possibilités offertes par l’IA tout en l’utilisant de manière responsable.

Toutefois, il convient de pas oublier un principe fondamental : l’IA, aussi évoluée soit elle, ne « comprend » pas la nuance du droit… Autrement dit, si elle peut résumer un arrêt, extraire une clause, proposer un argument ou générer un modèle de contrat, elle le fait statistiquement, jamais de manière cognitive. Par exemple, elle ne sait pas que deux notions proches ne produisent pas les mêmes effets juridiques, pas plus qu’une jurisprudence ancienne n’a plus cours ou qu’un même mot n’a pas la même portée selon le contexte, la branche du droit ou la juridiction. Des nuances qui, pour un juriste ou un avocat, ne sont pas des détails, mais l’essence même du droit.

Enfin, l’arrivée de l’IA dans le monde du droit soulève une autre question : quid du « sort » qui sera réservé aux avocats débutants à qui les tâches aujourd’hui prises en charge par l’Intelligence artificielle étaient auparavant dévolues ?

(1) Presses de Sciences Po, 122 pages, 9 euros.