C’est une fièvre qui peut toucher un public extrêmement large… De l’ouvrier à la tête couronnée en passant par l’acteur ou le chef d’entreprise. “Ce sont des passionnés, je préfère parler d’amoureux. Et c’est une passion qui peut ne pas avoir de limite.” Un marché de connaisseurs donc, même s’il est arrivé dans le passé que quelques spéculateurs fassent grimper les cours. Comme après la mort d’Enzo Ferrari en 1988 qui avait fait flamber tout ce qui portait un petit cheval cabré. Et la concurrence aussi. “Les bons de commande se revendaient à prix d’or, c’était fou. Aujourd’hui ce n’est plus du tout le cas : les acheteurs sont des connaisseurs, ils ont étudié l’histoire du modèle convoité et ils savent ce qu’ils veulent.”

Privilège de l'âge

Le marché est essentiellement occidental : “Les clients se trouvent surtout en Europe de l’Ouest et aux États-Unis. Ils sont quelques centaines dans le reste du monde”. Une question de culture : les Chinois, par exemple, gros consommateurs de belles autos modernes, ont été privés des carrosseries mythiques qui ont fait rêver les baby-boomers. Autre caractéristique forte, les tempes sont grisonnantes. “Même si la passion peut naître très tôt, les acheteurs ont principalement entre 50 et 60 ans. Ils ont payé leur maison, les études des enfants, ils ont de l’argent et peuvent se faire plaisir.” Pour leur part, les vendeurs sont généralement des collectionneurs qui sélectionnent ou qui vendent un lot pour acheter une pièce plus rare. Divorces et successions sont aussi de bonnes occasions de voir émerger des modèles intéressants.

Trouver la formule

Mais comment donc aborder ce marché ? “Comme en immobilier pour lequel les trois piliers sont l’adresse, l’adresse et l’adresse, pour les voitures, c’est l’histoire, l’histoire et l’histoire ! Le passé du modèle, la façon dont il a été suivi, les documents originaux qui racontent sa vie… La provenance, les propriétaires précédents ou le palmarès pour une voiture de compétition sont les critères les plus importants.” Le commissaire-priseur recommande de ne surtout pas penser investissement. “Il y a deux écoles. Certains achètent des autos complètement d’origine, qui n’ont jamais été restaurées ni démontées, avec une patine et un vécu qui se lisent dans les défauts de sa carrosserie. D’autres préféreront des modèles totalement restaurés, prêts à être utilisés.” Plus chers, bien évidemment.

Comment démarrer ?

C’est le moment de parler prix. “Il n’y a pas forcément de ticket d’entrée. On peut très bien commencer par une 2 CV à 2 000 ou 3 000 euros, puis progresser.” Jusqu’à des sommets stratosphériques, comme pour cette Alfa Romeo 8C de 1939 carrossée par Touring, adjugée près de 17 millions d’euros au dernier Salon Rétromobile. Sans aller jusque-là, Matthieu Lamoure recommande d’aller vers les valeurs sûres. “Avec sa ligne unique, la Jaguar Type-E passe à travers les âges. Elle s’achète entre 180 000 et 250 000 euros. Il y a aussi la fameuse Mercedes 300 SL à portes papillon, autour du million et demi d’euros. Ou la Ferrari Daytona. Elle se trouve aujourd’hui entre 550 000 et 600 000 euros, mais elle est montée jusqu’à 950 000. C’est le moment de s’y intéresser. On ne se trompe pas non plus avec une Ferrari Testarossa Monospecchio, la première version avec un seul rétroviseur. Elle est à moins de 100 000 euros aujourd’hui. Une Porsche 911 dans une version originale peut aussi être un choix intéressant… Les 911 ont beaucoup baissé, et se situent sûrement au vrai prix aujourd’hui. Pour leur part, comme la plupart desyoungtimers, ces modèles des années 80 et 90, les BMW M3 E30 commencent à monter sérieusement.”

You Know, the propriétaire ...

À côté de ces magnifiques voitures, un marché plus accessible peut aussi permettre de mettre le pied à l’étrier : celui des objets et accessoires, l’automobilia. “C’est une porte d’entrée pour les jeunes. Les roues de Formule, 1, les casques, les combinaisons, les mascottes, les documents d’époque… C’est aussi une part d’histoire. On revient toujours à l’histoire !” Marchands spécialisés, maisons de vente, nombreux en tout cas sont les opérateurs qui interviennent sur le marché de l’automobile de collection. Et ils ne sont pas les seuls : “Beaucoup plus que pour les autres objets d’art, le propriétaire est un intervenant incontournable. Il pense être le seul à savoir parler de sa voiture et n’hésite pas à la mettre en vente sans intermédiaire. Heureusement, certains comprennent que l’audience internationale, le marketing autour de la vente, la défense par des experts, sont des aspects importants. C’est pour cela qu’ils nous confient leurs modèles.”

Placements en déplacements

Pour leur part, les clients préfèrent avoir affaire aux professionnels. “Même si on dit souvent que les maisons de vente n’accordent pas de garanties, nous suivons nos acheteurs, nous ne les laissons jamais seuls face à un problème technique. Nous jouons notre image à chaque vente ! Le vrai risque, c’est d’acheter auprès d’un particulier, sans aucune garantie.” Pour éviter la surenchère sur un marché déjà encombré, Artcurial se contente de trois ventes par an : au théâtre du Rond-Point en juin, aux Champs-Élysées à l’automne et au Salon Rétromobile en février. “Nous préférons la qualité à la quantité. Nous sélectionnons très attentivement les autos en veillant à leur bon état et à leur historique. Nous aimons présenter des voitures “fraîches”, inconnues du marché. Comme à Rétromobile 2019, les trois Serenissima du comte Volpi, dont une qui a participé aux 24 Heures du Mans 1966 proposée dans son état d’origine, tout juste sortie de la course.” On peut aussi fréquenter les grands rendez-vous comme Le Mans Classic, le Tour de Corse historique ou les Mille Milles. Autant d’occasions d’acheter ou d’utiliser ces belles mécaniques : “L’automobile ancienne est un art qui se consomme. Les collectionneurs roulent peu mais ils roulent. Ils se rencontrent et ils échangent beaucoup.”

"L’automobile ancienne est un art qui se consomme. Les collectionneurs roulent peu mais ils roulent. Ils se rencontrent et ils échangent beaucoup."

Optique de ... transmission

Chaque vente en tout cas procure son lot de sensations. Et certaines sortent franchement du lot. “Je pensais être né trop tard pour connaître les sorties de granges des années 50… Et la collection Baillon est arrivée.” Un événement exceptionnel avec la mise en vente de 59 voitures réunies par un industriel deux-sévrien et oubliées trente années durant dans des hangars au fond d’un champ. Pour un total de plus de 25 millions d’euros. “C’est un symbole du temps qui passe, de l’objet qui dure face à l’homme et sa finitude.” Une dernière question nous brûle les lèvres : l’automobile de collection est-elle un placement rentable ? “Il faut acheter ce que l’on aime. Sinon, on va y renoncer dès la première panne. Il faut aussi se rappeler qu’une voiture doit être assurée, garée, entretenue… Il y a des frais et des contraintes. Mais en général, on ne perd pas. Et en choisissant la qualité, on se trompe rarement.” Ça roule !

Artcurial Motorcars

Née en 2010 pour prendre la suite du département automobiles d’Artcurial créé par le commissaire-priseur et pilote Hervé Poulain, Artcurial Motorcars s’est imposée sous la direction de Matthieu Lamoure comme le leader français et l’un des principaux opérateurs européens. C’est aujourd’hui le premier département de la maison Artcurial avec un chiffre d’affaires annuel de plus de 50 millions d’euros. Artcurial Motorcars détient le record mondial en euros et en livres pour une automobile aux enchères : plus de 32 millions d’euros pour la Ferrari 335 Sport Scaglietti 1957 de la collection Bardinon. Celle-ci vient d’ailleurs de remporter le best of show au concours d’élégance d’Amelia Island en Floride.

Une voiture ancienne ou une œuvre d’art à évaluer ou à vendre ? N’hésitez pas à en parler à votre conseiller LCL Banque Privée : il vous mettra en relation avec l’un des experts d’Artcurial.